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Sergent Jean Lavayssière
8 juin 2014

Les combats de Sidi-Brahim par J. Lavayssière

 

PRÉLIMILAIRES

******

 Le 1er novembre 1840, la formation du 8e bataillon de Chasseurs commençait à s'effectuer au camp d'Elfaut, près de Saint-Omer (Pas de Calais).

 Le 10 juin 1841, le Bataillon s'embarquait pour l'Algérie et prenait terre le 14 à Monstagamen, sous les ordres du commandant Uhrich.

 A peine débarqué, le Bataillon prenait part ( juin 1841à janvier 1842) aux expéditions du Chéliff, des Flittass sous le commandement supérieur du général Bugeaud, au combat d'El-Bordj, à la soumission des Bordgias, des Medghers, des Beni-Chougran.

 Le 6 février 1842, le commandant Froment-Coste succédait au commandant Uhrich et pendant les années 1842, 1843, et 1844, conduisait le bataillon dans les opérations de la province d'Oran. Acquis de Nédroma, prise de Keff, combat de la Sikack, combat de Bab-el-Thaza, expéditions des Benis-Snous, des Oulassas, des Benis-Amers, des Ouled-Naars, des Djaffras, des Anglades, combat de Sidi-Azis.

  Le 14 août 1844, le Bataillon prenait une part glorieuse à la bataille de l'Isly, et après de nouvelle expéditions autour de Sebdon et de Lalla-Marghnia, rentrait dans sa garnison de Tlecen. (Janvier 1845).

Il en repartait le 1er avril et pendant trois mois opérait autour de Sebdon, chez ls Ouled-Mimoun, et dans le sud à la poursuite d'Abd el Kader.

 Enfin le 5 août 1845, le Bataillon se mettait en route pour Djemmâa-Ghazaouat. (aujourd'hui Nemours), pour y tenir garnison avec deux escadrons du 2e Hussards.

  Jusqu'au 20 septembre, le Bataillon est employé aux travaux de fortification de la place et fait de nombreuses sorties pour calmer l'agitation causée dans les tribus environnantes pour la défection de l'Agha, des Ghossels et l'approche d'Abd el Kader.

 Le 21 septembre, le colonel de Montagnac, du 15e Léger, commandant supérieur de Djemmâa, se décide à sortir avec la majeur partie de la garnison, soixante hussards sous les ordres du chef d'escadron Courby de Cognord, et cinq compagnies du 8e Bataillon, fortes de 346 hommes, sous la conduite du chef de bataillon Froment-Coste. C''étaient les 2e, 3e, 6e, 7e,et une compagnie de carabiniers, la 8e, encadrées de la manière suivante :

 Commandant FROMENT-COSTE.

Capitaine adjudant-Major DUTERTRE

Médecin aide-major ROSAGUTI

 2e compagnie : Capitaine BURGARD

 3e compagnie : Sous Lieutenant LARRAZET

 6e Compagnie : Capitaine DE CHARGÈRE

 7e compagnie : Lieutenant De RAYMOND

 8e compagnie : (Carabiniers) Capitaine de GÈRAUX

 Lieutenant CHAPPEDELAINE

 

 La première compagnie avait été laissé à Tlemcen

 Les 4e et 5e compagnies constituaient le dépôt, stationné en France (Toulouse)

 

 Combat de – SIDI-BRAHIM -

(23, 24, 25, 26 Septembre 1845)

  La colonne sortit de Djemmâa le 21 septembre à dix heures du soir, emportant des vivres pour six jours;elle marcha jusqu'à deux heures du matin, à l'ouest, dans la direction de l'Oued-Taouli. La nuit se passa au bord de cette petite rivière, les hommes couchés au pied de leurs faisceaux.

 Le 22 septembre, au jour, le colonel de Montagnac fit établir le camp, on déjeuna , et, à onze heure, on se remit en marche, mais cette fois en appuyant au sud-est. La colonne ne fit que deux lieues et campa sur l'Oued Tarnana ; déjà des cavaliers paraissaient sur les crêtes voisines ; une reconnaissance fut reçue à coups de fusils ; les avants-postes furent inquiétés dès deux heures de l'après-midi. On était en présence de l'ennemi ; l'influence seule de l'émir Abd el Kader pouvait donner cette assurance inaccoutumée. Le colonel de Montagnac instruisit de ces faits le Capitaine du génie, commandant supérieur de Djemmâa par intérim, et le prévint qu'il ne pouvait rentrer sans exposer les Souhalias à être enlevés.

 Au jour, le 23 septembre, on s’aperçut que les postes arabes s'étaient rapprochés à la faveur de la nuit, et les crêtes, à environ mille mètres du camp se couvraient de cavaliers dont le nombre, à sept heures du matin, fut estimé à six ou sept cents. A neuf heures, le colonel laissa le commandement du camp au commandant Froment-Coste, du 8e Bataillon, et se mit en marche avec le chef d'escadrons Courby de Cognord et ses soixante cavaliers du 2e Hussards, suivis des 3e, 6e, 7e, compagnies et de 3 escouades de carabiniers, sous les ordres du sergent Bernard ; l'infanterie était sans sacs ; la cavalerie marchait en tête, au pas ; le Colonel la conduisait lui-même.

 Il ne restait pour garder le camp que la 2e compagnie de carabiniers du capitaine de Géreaux, diminués de trois escouades.

 La petite colonne s’avança jusqu'à 400 mètres de l'ennemi et éprouva une première résistance. La troupe se reforma ; puis laissant l'infanterie en place , le colonel s'élança à la tête de la cavalerie et se rua sur les groupes ennemis. La plus grande partie des Hussards périrent dans cette première charge. La retraite se fit sur les Chasseurs qui arrivaient déjà au pas de course ; on reprit l'offensive et les trois compagnies marchèrent résolument à l'ennemi.

 Un ravin se présentait qu'il fallait franchir ; à peine les Chasseurs y étaient-ils engagés que des avalanches de cavaliers et de kabyles s'y précipitaient de toutes parts. On était loin de s'attendre à un ennemi aussi nombreux : les espions avaient trompé la foi du Colonel, qui n'avait pu voir qu'une très petite partie des arabes, habilement cachés dans les plis d'un terrain excessivement accidenté. Cependant on parvint à prendre position.

 Le carré fut formé dans le plus grand ordre, et alors commença une horrible scène de destruction. Le colonel de Montagnac tomba dans les premiers, et ceux qui, quelques mois plus tard, furent appelés à recueillir les précieux restes de ces héroïques victimes du devoir et de la discipline, ont pu voir sur le terrain que les ossements jonchaient en carré, comment chacun mourut à sa place, et dire combien était vrai la poétique expression des merveilleux échappés de ce massacre :  «  sans cartouches, ne pouvant plus riposter, ils ont attendu la mort et sont tombés comme un vieux mur que l'on bat en brèche. »

  Mais déjà le second et non moins douloureux épisode se préparait.

 Le maréchal des logis Barbut était en effet arrivé ventre à terre, demander du secours de la part du Colonel mourant , il annonçait que tout était perdu, que l’Émir commandait en personne des forces considérables, et qu'il n'y avait plus de retraite possible.

 Le commandant Froment-Coste prend alors une soixantaine de Chasseurs (2e compagnie) et s'élance à l'ennemi, laissant à son tour à la garde du camp le Capitaine de Géreaux et ses carabiniers. Il était arrivé à un quart de lieue du camp de carnage quand tout à coup la cessation de la fusillade et l'arrivée bruyante de milliers d'arabes lui apprirent que tout était fini avec le Colonel de Montagnac.

 En toute hâte, il gagne sur sa gauche un point plus convenable pour la défense, et y forme en carré sa petite troupe, qui désormais ne doit plus compter que sur elle-même . Bientôt il est enfermé dans un cercle d'ennemis qu''enivre un premier succès. A la vue , un jeune Chasseur s'écrie tout émue :  «  Nous sommes perdues, nous sommes morts ! » Quel âge as-tu ? Lui dit le commandant – Vingt deux-ans, – Eh bien ! J'ai souffert dix-huit de plus que toi ; c'est ici que nous devons mourir, je vais te montrer à tomber le cœur ferme et la tête haute. «  Le digne chef du 8e tomba aussitôt frappé à la tête ; bientôt après lui tombaient le capitaine-adjudant major Dutertre, qui avait pris le commandement et le capitaine Burgard ; l'Adjudant Thomas est enlevé en exhortant ceux qui restaient debout à mourir en braves sur les corps de leurs officiers. Sur cet emplacement si tristement célèbre , il ne reste plus que douze hommes criblés de blessures.

 Mais sur ces entrefaites, un autre hussard était enlevé au camp, annonçant que le Commandant et soixante braves étaient massacrés ou prisonniers.

 Le capitaine de Géreaux aidé par le lieutenant Chappedelaine rallie la garde du troupeau (une escouade de la 3e) les muletiers du Bataillon, la grand garde commandée par le caporal Lavayssière deux escouade de la 3e et ses Carabiniers, en tout un peu plus de quatre-vingts hommes s 'élance au secours des derniers survivants. A peine la petite troupe avait-elle parcouru deux cents mètres qu'elle était entourée d'une nuée d'ennemis. Toute retraite était coupée

 Le capitaine se décide alors à gagner une petite construction en pierre, situé à 800 mètres , résolu à s'y défendre jusqu'à la dernière extrémité. Il ordonne de charger à la baïonnette : mais ce n'est qu'après trois heures d'un combat acharné que nos Chasseurs arrivent à prendre position dans cette petite construction (Marabout de Sidi-Brahim) gardé par une trentaine d'arabes. Ils l'emportent d'assaut sur les quatre faces à la fois : mais cette modeste victoire avait coûté la vie à cinq hommes, parmi lesquels le sergent Estayères, vieux brave comptant 28 années d'excellents services.

Le capitaine de Géreaux avait eu la cuisse traversée par une balle ; le lieutenant Chappedelaine avait reçu un coup de feu au côté droit. On organisa rapidement la défense : le mur d'enceinte, qui n'a qu'un mètre de hauteur, est garni de créneaux, l'entrée est fermée à l'aide des cantines ; chaque face reçoit une vingtaine de défenseur.

 Alors commence cette lutte épique qui devait illustrer à jamais, avec le numéro du 8e Bataillon, l'arme entière des Chasseurs à pied, et où se couvrit de gloire le caporal Lavayssière, l'âme et la tête de la résistance, dans ce combat digne des héros d'Homère.

 Le capitaine de Géreaux, dans l'espoir d'attirer l'attention de la colonne Barral que l'on sait rayonner dans les environs, ordonne à Lavayssière de désigner un chasseur pour aller planter un drapeau au faite du marabout : «  Mon capitaine, répond le brave caporal, je préfère y monter moi-même, car ce serait envoyer un Chasseur à une mort certaine.-Je promets une belle récompense à celui qui aura le courage d'aller planter le drapeau, ajoute aussitôt le Capitaine.

 Lavayssière prend la ceinture rouge du lieutenant de Chappedelaine, et la noue à sa cravate bleue et un mouchoir blanc, coupe une branche de figuier et, sous une grêle de balles, gravit le dôme du marabout. Les balles sifflaient de tous côtés ; l'une enleva le képi du Caporal sans le blesser, une autre l'atteint à l'épaule gauche, une troisième coupe entre ses mains la hampe de son drapeau improvisé, au moment même où il le plantait.

 Lavayssière parvient à consolider son signal , et se fait lancer la lunette du Capitaine.Il aperçoit la colonne Barral ; mais il voit qu'elle est attaquer et qu'elle se retire. Tout espoir de salut était était donc perdu pour nos braves Chasseurs Carabiniers.

 Cependant les arabes continuaient leur fusillade et leurs assauts furieux contre le marabout. Une première sommation est portée par un arabe qui s'annonce par une sonnerie. Elle est écrite en français ; le Capitaine répond qu'il préfère mourir cent fois plutôt que de se rendre.

 Une deuxième sommation parvient au Capitaine, après une reprise de combat ; elle est rédigée en arabe. L'interprète Levy en donne l'explication. Elle contient la menace que, si la petite troupe ne se rend pas, les hommes auront la tête tranchée.

 Le Capitaine fait répondre que ses Chasseurs et lui sont sous la garde de Dieu, et qu'ils attendent l'ennemi de pied ferme.

 La troisième et dernière sommation est plus pressante que les deux premières, mais ne renferme aucune menace. Lavayssière la reçoit et s'empresse de la communiquer à son chef, qui était allé se reposer dans le marabout à côté de son lieutenant, l'un et l'autre souffrant horriblement de leurs blessures Le docteur Rosaguti ne pouvait les soigner comme il l'aurai voulu, car son matériel était resté au camp.

 Le Capitaine ne veut faire aucune réponse. Le Caporal lui demande son crayon, et écrit au bas de cette sommation : « M.... pour Abd el Kader ! Les chasseurs d'Orléans se font tuer, mais ne se rendent jamais ! » Il tend la lettre à son Capitaine, qui trouve encore la force de sourire et de lui dire : «  Tu as raison, Caporal fais-leur tenir cette réponse. »

 C'est ainsi qu'il a été donné aux héros dont s’enorgueillit le 8e de réaliser le mot de Waterloo. 

Abd el Kader envoie devant le marabout une dizaine de prisonniers, les mains liées, et entourés d'une escorte. Il espérait que cette vue démoraliserait la défense et amènerait une capitulation. Lavayssière, qui comptait parmi ces prisonniers quelques compatriotes du midi, leur crie dans son patois : « Couchez-vous. » Ceux-ci s'entendent aussitôt et au commandement du Caporal, une fusillade terrible commence sur l'escorte , et même sur l'entourage de l’Émir, qui placé à quelques centaines de mètres, attendait l'effet de sa démonstration. Abd el Kader est même atteint à l'oreille.

 Nota : «  Jean Lavayssière ne fait pas part de l'épisode entre le Capitaine-Adjudant-Major Dutertre à ses camarades de continuer le combat, plutôt que de se rendre »

 Un nouvel assaut plus terrible, plus furieux, commence alors, les arabes qui reçoivent des feux de salve à bonne portée, finissent par reculer. A cinq heures du soir, reprise exaspérée du combat ; nom plus, cette fois, seulement à coups de fusil, mais à coup de pierres que les chasseurs renvoient en partie(On en retira plus tard quatre prolonges de l'enceinte du marabout.)

 La lutte dure ainsi pendant trois quarts d'heure. Deux hommes sont blessés. La nuit vient mettre fin au combat et se passe assez tranquillement.

 Le jour vient (24 septembre). Ce n'est qu'à dix heures du matin que les arabes tentent un nouvel assaut, plus terrible encore que les précédents. Aucun d'eux ne peut franchir la muraille.

La journée s'achève sans incidents, la nuit vient, et le 25 à 8 heures, une nouvelle attaque se produit. Des milliers d'arabes et de kabyles se lancent sur le marabout. Après une première décharge, vient la lutte à coups de pierres,à coups de sabre, corps à corps.

 Nos Chasseurs font un tel carnage que les arabes cèdent le terrain et n'osent venir prendre leurs morts qu'à la faveur de l'obscurité, la nuit suivante.

 L’Émir avait renoncé à prendre le marabout d'assaut, et commençait le blocus.

 Les braves défenseurs de cette petite forteresse étaient exténués.Ils souffraient de la soif, plus encore que de la faim, à la suite de ces trois journées de lutte, sans repos, sans vivres, sans eau, sous les ardeurs implacable du soleil d'Afrique. Nos Chasseurs en sont réduits à boire leur urine mélangée à un peu d'absinthe.

 Ils demandent tous à tenter une sortie pour atteindre, au dépens même de leur vie, une fontaine située à cinquante mètres du marabout

 Le Capitaine de Géreaux se résout à essayer de percer l'ennemi pour regagner Djemmâa-Ghazaouat.

Lavayssière pendant la nuit, va reprendre son petit drapeau, qu'il retrouve criblé de balles.

 Le 26 au matin, les défenseurs du marabout n'espéraient plus de secours ; le manque de sommeil, les tortures de la faim et de la soif commençaient à les abattre de telle façon que, s'ils tardaient encore à prendre une décision, ils risquaient d'être incapable de marcher ; une pareille situation ne pouvait se prolonger davantage.

 Le capitaine tint conseil , et prit la résolution de sortir le jour même ; mieux valait, disait-il, mourir en combattant que de tomber d'inanition dans ce réduit. Par un heureux hasard , les Kabyles, qui étaient venus renforcer les postes pendant la nuit dans l'espoir d'accabler les Français, se retirèrent, ne laissant autour du marabout que le contingent habituel. L'instant était propice, il fallait en profiter. Toutes les dispositions furent prises pour le départ : les hommes avait coupé leurs balles en plusieurs morceaux afin d'avoir plus longtemps des munitions ; vingt carabiniers furent désignés pour partir en avant, vingt en arrière et une quinzaine sur chaque face.

 Vers six heures du soir, Géreaux donne le signal du départ ; aussitôt les murs sont franchis, et les carabiniers se précipitent dans la direction de quelques ruines qui étaient les restes de vielles maisons kabyles ; c'est là que se trouvait le poste le plus rapproché, Les Kabyles qui gardaient le poste, au nombre d'une quarantaine, étaient occupés à manger le couscous ; surpris à l’improviste, ils se défendent à coups de fusils, mais ils ne parviennent à blesser qu'un Français, tandis qu'un grand nombre d'entre eux son passés à la baïonnette ; les autres prenant la fuite dans toutes les directions.

 Formée en carré, et entourant le Capitaine et le Lieutenant épuisés, soutenus par les carabiniers. Nos braves marchent dans cet ordre, toujours luttant, serrant les rangs chaque fois qu'un camarade tombe pour ne plus se relever. La petite colonne fait ainsi deux lieues ; le Capitaine ne peut plus se soutenir. Lavayssière ordonne une halte de dix minutes. Pendant ce court repos, trois carabiniers sont tués.

 Le carré se reforme et reprend sa marche vers Djemmâa, toujours harcelé par des nuées de cavaliers ennemis, qui s'opposent à la retraite. Deux lieues se font encore : nouvelle halte, afin de permettre aux officiers exténués, et à tous les blessés, réunis au centre, de se reposer un peu.

 Nos chasseurs ne sont plus qu'à deux kilomètres de Djemmâa. Le capitaine tombe frappé d'une balle à la tête . Deux Chasseurs s'emparent de son corps, et la retraite s’accélère, terrible pour les arabes. Mais l'ennemi devient plus nombreux, plus acharné que jamais, et bientôt les braves Carabiniers sont obligés de donner un dernier regard et de dire un dernier adieu aux restes de leur malheureux Capitaine.

 Le Lieutenant Chappedelaine, atteint de deux balles en pleine poitrine, et le docteur Rosaguti, succombaient à leur tour.

 La petite troupe s'engage dans un défilé, mais l'ennemi la distançant, lui coupe de nouveau la retraite.  «  Mes amis, s'écrie Lavayssière, il n'y a plus de carré possible ! En avant ! Et à la baïonnette ! » Suivant l'expression de Lavayssière lui même, ce combat était « de la folie, de la rage, un massacre, une boucherie indescriptible » Enfin le passage est forcé, et cinq hommes se retrouvent debout autour de l'héroïque Caporal, tous désarmés. Seul Lavayssière avait conservé sa carabine.

  Ils arrivent à 200 mètres de la redoute . Nouvelle charge de trois cavaliers qui restent sur le carreau. Un kabyle, dissimulé derrière un arbre, blesse le hussard Nataly, Lavayssière lui enfonce sa baïonnette dans le ventre. Enfin, à 50 mètres seulement de la redoute, un juif, vers lequel Lavayssière s'avançait sans méfiance, le blesse d'un coup de pistolet à l'oreille gauche. Il a le sort du kabyle.

 Quelques Chasseurs échappés du massacre rejoignent le petit groupe. Ils arrivent neuf aux portes de Djemmâa. La garnison fit une sortie et rapporta les corps des six malheureux blessés.

 Le 8e bataillon de Chasseurs se trouvait réduit à quinze survivants.

Le Caporal Lavayssière, le Caporal conducteur Jean-Pierre, Charles Langlais, Joseph Rimond Chasseur, Joseph Siguier Clairon ; Elie Delfieu, Etienne Laparra, Daniel fers, Maurice Langevin, Bazille Médaille, Claude Antoine, Jean-Florentin Tressy, Gabriel Léger, Victor Michel, Louis Lepic Audebert , carabiniers.

 Jean-Pierre et Audebert moururent épuisés à l'hôpital D'Oran, Fert, Médaille et le clairon Siguier succombèrent peu de jours après dans le même hôpital.

 En résumé, 8 officiers et 252 sous-officiers et Chasseurs sont morts dans ces mémorables journées ; 80 avaient été faits prisonniers, la plupart couverts de blessures : parmi eux, le sous-lieutenant Larrazet et l'adjudant Thomas. Mais, chose remarquable, et qui fera l'orgueil éternel du 8e Bataillon, pas une plainte, pas un murmure, pas une parole de défiance, aucune hésitation, pas l'ombre d'un désordre dans ces épreuves si prolongées, si diverses, tant étaient fortes la discipline et l'aveugle confiance dans les chefs qui ont si bien montré combien ils étaient dignes. Pas un instant le dévouement n'a failli, et c'est le plus bel éloge qui puisse être fait de ces glorieux martyrs de l'honneur et du devoir.

 Djemmâa fut bloqué pendant quinze jours, et fut délivré le 10 octobre par les colonnes Lamoricière et Cavaignac.

 La première pensée des généraux fut pour les Carabiniers morts et restés sans sépultures dans le ravin des Ouled-Ziris. Quelques-uns, MM. De Géreaux et Chappedelaine entre autres, purent être reconnus. Le lieutenant-Général voulut lui-même présider la triste cérémonie, et, dans une allocution pleine d'éloges et d'expressions d'un vif regret, demanda vengeance au non de la France et de l'armée pour ces braves qui venaient de porter si haut le nom français. L'ordre du jour mentionna les noms des quinze militaires qui avaient survécu à la retraite de Sidi-Brahim : le caporal Lavayssière dont l'énergie morale avait été si remarquable, et qui avait puisé dans cette énergie les forces nécessaires pour rapporter seul son arme, fut nommé sergent : les Chasseurs et Carabiniers qui l'accompagnaient furent nommés caporaux.

 Le sergent Lavayssière fut décoré de la Légion d'Honneur ainsi que tous les autres survivants.

 Un hommage posthume fut rendu aux victimes dont les corps avaient été retrouvés : des croix de la Légion d'Honneur furent attachées sur les cercueils qui renfermaient leurs restes glorieux.

 Le 12 mai 1846, au milieu d'un immense carré formé de dix bataillons de Chasseurs et huit escadrons de Hussards, le Général commandant la subdivision de Tlemcen, après une allocution énergique et émue, remettait au non de S.A.R. Le comte de Paris, une carabine d'Honneur au sergent Lavayssière. L'arme porte l'inscription : Donné par le Prince Royal au caporal Lavayssière.- Sidi-Brahim.- Septembre 1845.

 Du 24 septembre au 13 octobre de l'année 1846, le 8e Bataillon, pendant son séjour au camp de Djemmâa accomplissait un pieux pèlerinage aux lieux témoins des derniers moments de la retraite héroïque des défenseurs de Sidi-Brahim.

 Tel fut le combat de Sidi-Brahim....

L'impressiondramatique qui se dégage de ce simple récit et que tout commentaire affaiblirait, fera coùmprendre quels précieux souvenirs évoque la pensée de ces trois journées, qu'on peut appeler les trois glorieuses des chasseurs à pied.

 Cette narration dira aussi pourquoi l'anniversaire de ce combat héroïque a été choisi pour la célébration de la fête des trente Bataillons de l'arme, et exposera enfin les titres du sergent Lavaissière, du modeste héros qui personnifie encore aujourd'hui ces souvenirs impérissables, à la sympathie enthousiaste de tous les Chassurs de l'armée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sergent Jean Lavayssière
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